La Dispute - Scène 16

MESROU, MESRIN, ÉGLÉ, CARISE.

MESROU, de loin, voulant retenir Mesrin qui se dégage.
Il s’échappe de moi, il veut être inconstant, empêchez-le d’approcher.

CARISE.
N’avancez pas.

MESRIN.
Pourquoi ?

CARISE.
C’est que je vous le défends ; Mesrou et moi, nous devons avoir quelque autorité sur vous ; nous sommes vos maîtres.

MESRIN, se révoltant.
Mes maîtres ? Qu’est-ce que c’est qu’un maître ?

CARISE.
Eh bien ! je ne vous le commande plus, je vous en prie, et la belle Églé joint sa prière à la mienne.

ÉGLÉ.
Moi ? Point du tout, je ne joins point de prière.

CARISE, à part à Églé.
Retirons-nous ; vous n’êtes pas encore sûre qu’il vous aime.

ÉGLÉ.
Oh ! je n’espère pas le contraire ; il n’y a qu’à lui demander ce qui en est. Que souhaitez-vous, le joli camarade ?

MESRIN.
Vous voir, vous contempler, vous admirer, vous appeler mon âme.

ÉGLÉ.
Vous voyez bien qu’il parle de son âme ; est-ce que vous m’aimez ?

MESRIN.
Comme un perdu.

ÉGLÉ.
Ne l’avais-je pas bien dit ?

MESRIN.
M’aimez-vous aussi ?

ÉGLÉ.
Je voudrais bien m’en dispenser si je le pouvais, à cause d’Azor qui compte sur moi.

MESROU.
Mesrin, imitez Églé ; ne soyez point infidèle.

ÉGLÉ.
Mesrin ! l’homme s’appelle Mesrin ?

MESRIN.
Eh ! oui.

ÉGLÉ.
L’ami d’Adine ?

MESRIN.
C’est moi qui l’étais, et qui n’ai plus besoin de son portrait.

ÉGLÉ le prend.
Son portrait et l’ami d’Adine ! Il a encore ce mérite-là ; ah ! ah ! Carise, voilà trop de qualités, il n’y a pas moyen de résister ; Mesrin, venez que je vous aime.

MESRIN.
Ah ! délicieuse main que je possède.

ÉGLÉ.
L’incomparable ami que je gagne !

MESROU.
Pourquoi quitter Adine ? Avez-vous à vous plaindre d’elle ?

MESRIN.
Non, c’est ce beau visage-là qui veut que je la laisse.

ÉGLÉ.
C’est qu’il a des yeux, voilà tout.

MESRIN.
Oh ! pour infidèle je le suis, mais je n’y saurais que faire.

ÉGLÉ.
Oui, je l’y contrains ; nous nous contraignons tous deux.

CARISE.
Azor et elle vont être au désespoir.

MESRIN.
Tant pis.

ÉGLÉ.
Quel remède ?

CARISE.
Si vous voulez, je sais le moyen de faire cesser leur affliction avec leur tendresse.

MESRIN.
Eh bien ! faites.

ÉGLÉ.
Eh ! non, je serai bien aise qu’Azor me regrette, moi ; ma beauté le mérite ; il n’y a pas de mal aussi qu’Adine soupire un peu, pour lui apprendre à se méconnaître.

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